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Dans ces carnets, les textes et les photos relatent des situations que j’ai vécues au cours de mes voyages. Des moments forts en émotions, en observant le comportement des animaux. Dans tous les cas, des moments qui amènent à réfléchir sur la condition animale et à notre relation avec eux.

“L'homme n'est pas le seul animal à penser, mais c'est le seul à penser qu'il n'est pas un animal” - Pascal PICQ

Tout ça pour ça !Tout ça pour ça !Tout ça pour ça !
Tout ça pour ça !

Manitoba, Canada, fin mars.

ll faut vraiment avoir envie de tirer le portrait du petit Nanuq ! Trois avions, un train, un 4X4 muni de chenilles pour arriver enfin, de nuit, au lodge perdu dans la toundra glacée, sous le blizzard.  

J’ai une affection particulière pour l’ours polaire. Cet animal solitaire, remarquablement intelligent, aux capacités physiques hors normes, s’est  adapté à un milieu, on ne peut plus hostile. Fascinée dès ma première rencontre avec lui au Spitzberg, je voulais avoir la chance d’observer et de photographier les oursons. Nous sommes peu nombreux chaque année, durant quelques semaines à venir ici dans la province du Manitoba au Canada, pour tenter de réaliser ce rêve. 

Dans cette région, les ourses passent l’hiver dans des tanières creusées dans le sol gelé. Economisant leur énergie, elles entrent en léthargie blotties au fond de leur caverne et donnent naissance à  leurs petits, minuscules et aveugles, de décembre à janvier. Trois mois plus tard, grâce aux soins et au lait de leur mère, ce sont d’adorables peluches d’un blanc immaculé qui pointent leur petit museau noir dans l’entrée de la tanière. C’est enfin le moment de voir la lumière du jour, de se rouler dans la neige et d’entreprendre une très longue marche pour rejoindre la mer dans la baie d’Hudson. Affaiblies après un jeûne qui peut durer jusqu’à huit mois, les mères  s’occuperont de leurs rejetons durant encore deux ans. Chasser pour les nourrir, les protéger des dangers, notamment des mâles, en faire des chasseurs redoutables, la tâche est immense avant qu’ils ne prennent leur indépendance et deviennent les rois et les reines de l’arctique. 

Nous sommes une vingtaine, venus du monde entier, pour photographier les oursons. La tempête, qui nous a accueilli à notre arrivée, a effacée toute trace dans la neige et il faut deux jours aux pisteurs pour trouver un trou de glace où une mère et son petit se seraient réfugiés. Nous nous y installons à proximité pour la journée, espérant ainsi assister à la sortie des animaux. Statiques durant huit heures, le temps s’écoule lentement, il fait entre moins vingt et moins trente degrés. De temps en temps, nous nous abritons dans les 4x4  et un thé ou une soupe chaude nous réchauffent un peu. A la tombée de la nuit, l’ourson montre enfin sa tête, mais si furtivement que seuls quelques uns d’entre nous l’ont aperçu. Sûr de la présence des animaux, nous revenons le lendemain au même endroit. En position, alignés devant le trou de glace, une nouvelle et longue journée dans le froid commence. Mais soudain, un 4x4 démarre, je ne comprend pas pourquoi. Quelques minutes après, je vois le véhicule en haut du talus surplombant le trou de glace. Alors que le chauffeur manoeuvre pour faire des aller-retours sur la pente, son acolyte s’évertue à faire encore plus de bruit en claquant à plusieurs reprises sa portière.  Je n’en crois pas mes yeux. Je prends quelques clichés de cette scène surréaliste. Puis, je vais voir l’accompagnateur du groupe avec lequel je fais ce voyage, pour lui dire, ce que je pense de ces méthodes. Apeurer des animaux sauvages afin qu’ils sortent pour pouvoir les prendre en photo; je suis révoltée. Mon coup de gueule a fait son petit effet, car après un appel au talkie walkie au responsable des pisteurs, le manège cesse rapidement et le 4x4 revient vers nous. Le guide s’excuse et m’explique que sous la pression de certaines personnes n’ayant toujours eu aucune opportunité de photographier l’ourson, la décision de les faire sortir de force a été prise. Je redouble d’écoeurement devant ses explications. 

Sur la vingtaine de photographes amateurs et professionnels présents, j’ai été la seule à manifester ouvertement ma désapprobation. On pourrait penser que photographier les animaux, faire un si long voyage et endurer des conditions climatiques extrêmes, nécessite admiration et respect de la nature. Pas du tout.  Ces photographes sont venus pour photographier l’ourson polaire et ils veulent faire des photos, un point c’est tout. Ils ont payé et ils en veulent pour leur argent. Peu importe si pour cela, on stresse une mère affaiblie au sortir de l’hiver et son petit. 

Quant aux organisateurs locaux qui ont l’exclusivité de ce business, ils n’ont pas plus de respect de l’animal. Pression des clients ou pas, ce genre d’action est inadmissible et j’appris par la suite qu’ils étaient coutumiers du fait. Toujours plus de clients , toujours plus d’argent et pour qu’ils reviennent il faut qu’ils fassent des photos de quelque manière que ce soit. L’ours polaire est devenu le nouvel or blanc. Ces exactions répétées ont des conséquences puisque l’on constate déjà une diminution du nombre des femelles dans la région.

Aujourd’hui quand l’ours polaire n’est pas tué parce qu’il dérange les compagnies gazières, pétrolières ou minières ou pour servir de trophée à quelques chasseurs fortunés, il est réduit à une marchandise touristique. Non seulement, il doit survivre dans un milieu extrêmement hostile, menacé par le changement climatique et la pollution, il doit aussi affronter la bêtise humaine. Pauvre Nanuq! 

 

 
 
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